Trois Jours - Texte

Trois Jours

Nouvelle (intégrale)


Comme à chaque 31 octobre, Enrique López n'avait pas manqué de faire la fête toute la nuit, afin de célébrer el Día de Muertos.
Ici, au Mexique, le Jour des Morts était une institution sacrée et Enrique avait prévu de célébrer ça en compagnie des membres de son gang pendant trois jours durant, comme le voulait la tradition.
Tous avaient passé la soirée dans un bar branché du centre de Tijuana. Dire qu'ils avaient un peu forcé sur la boisson et la consommation de stupéfiants aurait été un euphémisme.
Ils avaient quitté le bar à l'heure de la fermeture, totalement éméchés et hors de contrôle, ayant largement outrepassé leurs limites.
Tous étaient sortis dans la rue en riant aux éclats, titubants et beuglants comme des forcenés.
Habituellement, personne ne se permettait jamais de leur faire la moindre remarque. C'était ainsi. Tout le monde craignait les gangs de la mafia mexicaine, qu'ici on appelait encore plus communément les narcos.
Enrique et son clan de trafiquants en faisait partie. Il avait baigné dans ce milieu dès l'enfance, ce qui en avait fait un homme redoutable auquel personne n'osait manquer de respect.
Avec ses beaux yeux noisette, ses cheveux mi-longs d'un noir de jais, sa carrure athlétique et ses tatouages, Enrique était tant craint qu'apprécié, surtout par la gente féminine. Le chef de gang était sans nul doute un homme à femmes mais pas seulement. Il y avait aussi les hommes... En effet, il lui arrivait d'aller passer la nuit en douce dans des chambres d'hôtels minables en compagnie de beaux jeunes hommes, souvent des prostitués, rencontrés dans la rue, au détour des sombres ruelles des quartiers malfamés de Tijuana. Ça, personne ne le savait, pas même ses amis les plus proches : Javier Alvarez et Cesare Mùnioz.
Dans ce milieu, on ne pouvait pas prétendre être un caïd et à côté de ça avoir un homme dans son lit. Enrique en avait parfaitement conscience, alors il s'adonnait à ses plaisirs coupables en cachette et réapparaissait le lendemain matin, frais, pimpant et redoutable comme tout bon chef de meute.
Cependant, cette fois-ci, tout ne s'était pas vraiment déroulé comme prévu...
De la musique. Forte, indistincte, disharmonieuse. L'odeur d'alcool et de tabac, et cette nausée au creux de l'estomac...
Ce matin-là, Enrique ouvrit péniblement les yeux et se trouva désorienté l'espace de plusieurs minutes, tout simplement parce qu'il peinait à recoller les morceaux.
Il n'y avait plus de musique, plus d'alcool non plus. En revanche, la nausée était bien présente. Il avait dû rêver... Dans son esprit, tout était confus. Le résultat de sa beuverie de la veille. Enrique avait une gueule de bois comme rarement il en avait eu une auparavant.
Il tenta de se redresser dans son lit, mais, pris de vertiges, il dut renoncer. Il grogna alors et passa ses deux mains sur son visage.
La tête confortablement callée contre l'oreiller, il voulut se rendormir, en se disant qu'il aurait décuvé d'ici quelques heures, mais c'était sans compter sur le petit détail qui se trouvait dans son lit, allongé à ses côtés.
Aussi, lorsqu'il voulut se retourner pour adopter une position plus confortable, Enrique se heurta à la chose, ou plus exactement la personne, qui avait élu domicile entre ses draps.
Le chef de gang sursauta et se redressa, cette fois-ci tout à fait réveillé, malgré la migraine poignante qui lui martelait le crâne.
— Eh ! T'es qui toi ?! s'enflamma aussitôt le Mexicain au tempérament de feu, en bousculant le jeune homme qui lui continuait de dormir comme un bienheureux.
Face aux assauts du fauve, ce dernier ne tarda néanmoins pas à émerger, pas inquiet ni surpris le moins du monde, affichant même un petit sourire ravi.
Enrique, les sourcils froncés, détailla l'inconnu de son regard de braise. Ce dernier avait de ravissantes prunelles vertes, presque identiques à celles d'un chat, des cheveux noirs en bataille et des traits extrêmement délicats. Pas désagréable à regarder, bien au contraire, mais là n'était pas la question. Enrique attendait des réponses, et vite !
— Qu'est-ce que tu fous dans mon lit ?! attaqua-t-il, sur ses gardes.
— Eh ben, quel accueil... soupira le jeune homme, avant de passer une main dans ses cheveux d'un noir aussi sombre et brillant que les plumes d'un corbeau. Premièrement ça n'est plus tout à fait ton lit. Enfin... ça l'est, mais seulement dans une certaine mesure. Je t'expliquerai les détails tout à l'heure. Ensuite, pour répondre à ta précédente question, j'ai plusieurs noms mais pour faire simple, tu peux m'appeler Diego. En revanche tu n'as pas l'air de deviner la raison de ma présence ici on dirait.
Diego s'allongea de tout son long sur le côté, face à Enrique, le coude replié, soutenant son beau visage dans la paume de sa main, d'un air nonchalant.
— Comment je suis censé le deviner ?! s'impatienta Enrique.
— Hm. Il faut dire qu'avec tout ce que tu as consommé hier soir il n'y a rien d'étonnant à ce que tu n'aies aucun souvenir. Il va donc falloir que je te fasse un petit topo de la situation, mais avant ça tu devrais aller prendre une douche, histoire d'avoir les idées plus claires.
Enrique repoussa les draps et sortit du lit, vêtu d'un simple boxer noir qui ne manqua pas d'attirer le regard pour le moins intéressé de Diego.
— Ouais, je vais aller prendre une douche, mais pas pour te faire plaisir, cabrón . Je te donne dix minutes pour virer ton cul de mon lit et de mon appart', autrement tu risques de me voir sous un autre jour et crois-moi, ça ne te plaira pas. Quand je vais revenir dans cette pièce, je veux que tu aies disparu. Claro ?
En vérité, Enrique n'attendait aucune réponse. Pour lui, l'affaire était entendue. Il s'en-alla donc dans la salle de bain, abandonnant Diego dans sa chambre.
Sa migraine était toujours bien présente mais le jet d'eau chaude sur son visage lui fit du bien. Sa longue chevelure glissait en une sombre cascade sur ses épaules musclées, ainsi que dans sa nuque, donnant un éclat particulièrement sensuel à sa peau hâlée.
Il se savonna énergiquement pour dissiper les brumes de sa nuit de débauche, puis quitta la cabine de douche après s'être longuement rincé.
Le jeune homme noua une serviette autour de ses hanches, se sécha sommairement les cheveux avant de retourner dans sa chambre, pensif.
Parfait. L'autre n'était plus là. Il avait dû prendre peur. Cela faisait déjà un souci de moins.
Enrique avait beau faire tous les efforts du monde pour se souvenir de ce qui avait bien pu se passer la veille, il ne se rappelait à aucun moment d'avoir couché avec ce type. Et puis de toute façon, il n'avait jamais ramené aucun de ses amants chez lui. Il n'y avait toujours eu que des femmes dans son lit. Pour le reste, cela se passait toujours à l'hôtel, alors que s'était-il passé cette fois-ci ?
Contrarié, il enfila un jean, ainsi qu'un débardeur noir moulant qui mettait en valeur certains de ses tatouages, de même que son physique avantageux. On devinait sans mal la courbe de ses abdominaux parfaitement sculptés sous le tissu. Les filles ne manqueraient pas de se retourner sur son passage, comme toujours.
Mais avant de sortir, il lui fallait de toute urgence un bon café accompagné d'un cachet d'aspirine. Enrique se rendit donc dans la cuisine, où il trouva, avec stupéfaction, Diego, assis au bar, sur l'un de ses tabourets ultra modernes.
Très vite, la colère prit le pas sur l'effet de surprise et le chef de gang sortit de ses gonds. Il saisit Diego par le bras, le plaqua contre le mur, plongea son regard droit dans le sien, menaçant, et s'adressa à lui sur un ton venimeux :
— Je croyais avoir été clair quand je t'ai dit de te barrer de chez moi tout à l'heure. Si tu t'imagines que parce qu'on a baisé ensemble une fois tu peux tout te permettre, tu te goures sur toute la ligne ! Ici c'est moi le boss, et c'est pas un petit pédé dans ton genre qui va me casser les couilles ! Alors maintenant tu vas t'habiller et me faire le plaisir de foutre le camp, autrement je vais devenir vraiment méchant et je veillerai à ce que tu repartes d'ici en morceaux dans un sac-poubelle !
Le ton était donné. Enrique relâcha alors la pression sur le bras de Diego et s'éloigna de quelques pas, sans le quitter des yeux pour autant. Ce gars-là lui donnait une impression bizarre. Sans rien faire, il parvenait à le mettre mal à l'aise dans son propre appartement. Un comble ! Il y avait quelque chose de particulier dans son regard de félin, quelque chose de profond, d'étrange et d'inexplicable.
Un petit sourire se dessina sur les lèvres fines de Diego, lequel n'avait pas l'air d'être intimidé le moins du monde par le tempérament ombrageux et volcanique du beau mexicain qui le dardait d'un regard abyssal. Au contraire, il semblait même s'en amuser. N'importe quel être sensé aurait pris cette forme de provocation pour de la folie à l'état pur. Ce garçon ne devait pas beaucoup tenir à la vie...
À Tijuana, il était de notoriété publique que le gang d'Enrique López abattait quiconque lui manquait de respect, parfois même pour un simple regard en croix jugé trop provocateur.
— Je ne voudrais pas te vexer, mais il ne s'est rien passé entre nous. C'est même plutôt toi qui es venu à moi en quelques sortes.
— C'est quoi encore ces conneries ?! aboya Enrique, qui en avait plus qu'assez.
Sa maigre patience était en train d'atteindre ses limites les plus extrêmes.
— Si tu me permets de boire un café en ta compagnie, je pourrais tout t'expliquer, répondit Diego, sans se départir de son petit sourire.
— Parfait ! Alors pose ton cul sur cette chaise et ensuite t'as intérêt à tout me dire !
En deux temps trois mouvements, Enrique leur prépara un café bien noir, son préféré. Corsé, puissant en arôme, juste ce qu'il fallait pour bien commencer la journée. Il en servit une tasse à Diego, puis se mit à le fixer, dans l'attente d'une réponse. Ce dernier lui conseilla alors de s'asseoir, mais Enrique refusa. Il préféra rester debout, adossé contre le mur, sa tasse à la main.
Diego, sans se presser, souffla un peu sur la surface de la tasse pour dissiper la fumée qui s'en échappait, avant de prendre calmement la parole. Il allait tenter de mettre son hôte sur la voie.
— Tu te souviens de ce qui s'est passé hier soir à la sortie du club ?
— On avait bu et j'avais une cuite d'enfer, comment veux-tu que je m'en souvienne ?! s'impatienta le chef de gang.
Eh bien, pour le moment ce gars-là n'était pas très amusant, songea Diego, un peu dépité. Le jeune homme soupira.
— Voilà ce qui arrive quand on ne sait pas se poser des limites, fit-il remarquer, avec un air réprobateur.
— Putain... Tu m'emmerdes, grogna Enrique, tout en se passant une main sur le visage.
Sa migraine lui donnait la désagréable impression d'avoir la tête prise dans un étau. Il n'était absolument pas d'humeur à supporter le petit jeu de devinettes de l'incruste qui avait investi son appartement.
Malgré le mauvais caractère de son hôte, Diego devait bien admettre que le Mexicain avait un charme fou. Il aimait tout particulièrement la façon dont il roulait les « r ».
— Bon, j'imagine que c'est à moi de te rafraîchir la mémoire alors ? Quand tu as quitté la boîte de nuit hier avec tes prétendus amis, il y avait un type dans la rue avec lequel tu as commencé à hausser le ton. Quand vous vous êtes retournés pour partir, il a sorti une arme de sa poche et il t'a tiré dans le dos. Tu es mort sur le coup, c'est sans doute pour ça que tu n'as pas pris conscience de la situation.
Diego avait annoncé cela comme s'il n'eut s'agit que d'une banalité, ou comme s'il parlait de la pluie et du beau temps. Enrique, lui, n'en croyait pas ses oreilles. Ce type était vraiment un grand malade ! Il ne savait pas s'il devait éclater de rire devant de pareilles idioties, ou bien lui encastrer directement la tête dans le mur pour lui montrer ce qu'il en coûtait à ceux qui essayaient de le prendre pour un con.
— En gros, t'es en train de me dire que je suis... mort ? C'est bien ça ? reprit Enrique, avec un sourire moqueur.
— C'est bien ce que j'ai dit. Oui, répondit calmement Diego, tout en acquiesçant.
Il but ensuite une gorgée de café et frissonna vivement en affichant une mine dégoûtée.
— Pouah ! C'est amer ! Tu pourrais réveiller tout un bataillon de l'au-delà avec ça !
Le Mexicain fronça les sourcils, ce qui accentua la dureté de son regard. Décidément, ce type lui tapait de plus en plus sur les nerfs. Sans plus attendre, il alla donc le saisir par le bras et l'obligea ainsi à poser sa tasse et à se lever de sa chaise.
— J'ai assez entendu de conneries pour aujourd'hui. Maintenant tu vas te barrer de chez moi illico presto ! Et si tu veux un bon conseil, tu ferais bien d'aller te faire soigner ! Cabrón !
— Je me doute bien que ce doit être difficile à croire pour toi, mais je t'assure que c'est la pure vérité, se défendit Diego.
Mais rien à faire, Enrique ne voulait plus rien entendre à ce propos. Il entraîna le jeune homme jusqu'à la porte d'entrée et le flanqua dehors sans plus de cérémonie. Diego tenta bien de protester mais c'était inutile, le bellâtre volcanique aux multiples tatouages avait décidé que la discussion s'arrêterait là. Ce dernier le menaça une dernière fois de son regard noir :
— Si tu reviens encore me raconter tes salades, je te ficherai une balle entre les deux yeux et là tu verras ce que c'est vraiment qu'être mort !
La porte claqua et Enrique revint dans sa cuisine. Là, il soupira, profondément agacé, et s'alluma une cigarette. Une volute de fumée s'échappa d'entre ses lèvres et il passa une main dans ses beaux cheveux noirs.
— Espèce de taré... grogna le chef de gang, de mauvaise humeur.
Quoi qu'il en soit, ce n'était pas le moment de traîner ni de se laisser perturber. Enrique se souvint qu'une importante livraison de drogue devait avoir lieu dans la journée. Il fallait qu'il appelle Javier, son bras droit, sans tarder.
Le jeune homme chercha un moment son téléphone portable et finit par le retrouver quelques minutes plus tard dans la poche de son pantalon de la veille. Il chercha ensuite à joindre son ami, mais sans succès. Enrique retenta le coup plusieurs fois d'affilée mais toujours en vain. Il fronça vivement les sourcils et déposa rageusement l'appareil sur le comptoir du minibar. Que pouvait bien foutre Javier ?!
Le chef de gang prit donc la décision de se rendre directement chez lui. Il se saisit alors de ses clés de voiture, enfila ses chaussures et prit son blouson en cuir, puis quitta l'appartement. Il sortit ensuite du garage, quelques minutes plus tard, au volant de sa superbe voiture de sport d'un noir rutilant, en faisant rugir le moteur. Les voisins préférèrent détourner le regard.
Ici tout le monde connaissait Enrique López et ses goûts de luxe, mais ils savaient aussi que l'homme était aussi impitoyable qu'il pouvait être exubérant.
En chemin, Enrique tenta de joindre Cesare. Lui non plus ne répondait pas. Une boule se forma alors dans l'estomac du Mexicain. Et si la livraison s'était mal passée ? S'il y avait eu un os ? Une descente de Police ? Impossible. Il s'était pourtant assuré qu'il n'y en aurait pas. Cela faisait des mois qu'il préparait ce coup. Ça ne pouvait pas foirer maintenant, alors qu'il était tout juste au sommet de sa puissance dans le milieu ! Quelque chose ne tournait pas rond, c'était certain.
Après une quinzaine de minutes de route, Enrique gara son bolide devant un ravissant duplex ultra moderne. Il pénétra dans la cour et alla toquer à la porte, tendu. Mais il eut beau toquer, personne ne vint lui ouvrir. Pourtant Javier devait être chez lui, ou du moins il n'avait pas pu aller bien loin puisque sa voiture était garée devant chez lui, ainsi que celle de sa petite amie, Martha.
En désespoir de cause, il tenta alors d'ouvrir la porte et constata que celle-ci n'était pas verrouillée. Enrique pénétra donc dans le hall et entendit un brouhaha provenir du salon. Il en prit donc la direction et se cacha derrière un pan de mur.
Il remarqua que les membres de son gang s'étaient rassemblés ici. Il y avait Javier, qui semblait présider l'assemblée, Cesare, Paulo, Rafael et bien d'autres, mais aussi et surtout deux membres éminents d'un gang rival : Pedro Rodriguez et son fils Miguel, du gang de la Lagríma Blanca. Que pouvait bien signifier tout ceci ? Visiblement, ces types étaient en plein débat. Enrique décida donc d'attendre un peu dans l'ombre pour comprendre de quoi il était question.
— Il va bien falloir qu'on trouve une solution maintenant qu'il est mort, déclara Rafael.
— Moi je persiste à dire qu'on ferait bien de se rallier au gang de Pedro ! insista un autre.
Se rallier au gang de Pedro ? C'était un complot ou quoi ?! Enrique était furieux et son sang bouillonnait dans ses veines. De quel droit ses hommes se permettaient-ils de lui faire un tel coup de pute ?!
— Même s'il est mort, c'est Enrique qui reste notre véritable boss. Moi je dis qu'on lui doit le respect, et puis surtout en ce moment... Ce serait pas correct de dissoudre le clan pendant la Fête des Morts..., déclara Cesare, qui avait toujours été le plus superstitieux de tous.
Le cœur d'Enrique dû rater plusieurs battements. Mort ?! Bien sûr que non ! Il était bien vivant !
— Je propose que ce soit moi qui prenne sa suite, trancha Javier, imperturbable. De toute façon ce n'est pas un macchabée qui va vous permettre de vous faire du fric.
Ne tenant plus, Enrique se sentit exploser face à la trahison évidente de celui qu'il avait toujours considéré comme son meilleur ami. Il fit irruption dans le salon, sans plus réfléchir.
— Espèce de fils de pute, tu vas voir si je suis mort ! pesta-t-il, prêt à saisir Javier à la gorge, mais il constata que tous poursuivaient leur conversation comme si de rien était. Comme s'il n'existait pas...
Enrique se figea sur place, encore plus horrifié lorsque Martha traversa le salon pour venir jusqu'à Javier, afin de lui apporter une bière, et qu'elle le... traversa littéralement de part en part. Non... c'était un cauchemar ! Il avait vu ça souvent dans des films de revenants à la con, mais là ça dépassait carrément l'entendement ! Il pria pour que tout ceci ne soit qu'un mauvais rêve, bien que ça n'en avait pas l'air.
— Quand aura lieu l'enterrement de López ? demanda Miguel Rodriguez, tout en s'allumant une cigarette.
— Dans trois jours, après les célébrations, répondit Javier, sans même sourciller.
Leur amitié avait-elle donc si peu de valeur à ses yeux ? Enrique l'avait pourtant toujours considéré comme un frère... Il se sentait terriblement mal et totalement déstabilisé. Il ne comprenait rien à ce qui était en train de se passer. C'était totalement surréaliste ! Ces choses-là ne pouvaient pas exister... Ça ne pouvait pas être vrai ! Ce n'était pas réel !
— Javier ! Eh, les mecs !
À plusieurs reprises, Enrique tenta de faire remarquer sa présence aux membres de son gang mais sans succès. Ils ne le voyaient pas et ne l'entendaient pas. Il était devenu... un fantôme.
— Je te l'avais bien dit, non ? déclara une voix.
Adossé contre l'encadrement de la porte, se tenait le type de tout à l'heure, le timbré qu'Enrique avait viré de chez lui. Ce dernier fronça les sourcils en le reconnaissant et alla le saisir par le col.
— Qu'est-ce que tu m'as fait ?! enragea-t-il, prêt à le mettre en pièces s'il n'obtenait pas de réponse satisfaisante dans les quelques secondes à venir.
Le jeune homme aux yeux de chat se dégagea sans mal de sa prise.
— Tu pourrais te montrer un peu plus reconnaissant envers moi. Après tout c'est moi qui t'aie permis de revenir momentanément ici. Autrement tu serais déjà comme tous les autres. Techniquement c'est irréversible, tu sais ? Mais j'ai fait une petite exception pour toi parce que je te trouvais plutôt mignon et assez amusant. Quoique je n'en suis plus très sûr je dois dire...
La migraine d'Enrique redoubla d'intensité. Il se frotta désespérément les tempes, ne comprenant rien au baratin de cet illuminé, ou plutôt, ayant peur de le comprendre.
— Mais de quoi est-ce que tu parles à la fin ?!
— De la même chose que tout à l'heure. Je te l'ai dit mais tu n'as pas voulu me croire. Tu es mort Enrique, depuis hier soir. Viens, allons discuter de ça dans un endroit plus tranquille, tes amis ne sont pas franchement recommandables.
Toujours contrarié mais néanmoins trop troublé pour protester, Enrique suivit Diego sans rien dire. Tous deux se mirent à marcher dans la rue, côte à côte.
— Tu vas finir par me dire qui tu es vraiment maintenant...? murmura Enrique, secoué par la trahison de Javier et sa propre situation.
Ressentant sa détresse, Diego glissa une main réconfortante le long de sa joue, puis acquiesça.
— Oui. Je pense que maintenant tu es plus disposé à m'écouter. Je t'ai dit que je m'appelle Diego. Dans un certain sens c'est vrai, mais ça n'est que mon enveloppe charnelle. Tout ça risque de te paraître un peu surprenant, mais en réalité je suis celui qui emmène les âmes des défunts jusqu'au royaume des morts. Mon royaume.
— C'est pas possible...
Enrique crut bien qu'il allait tomber dans les pommes. Ce mec allait finir par le rendre bon à interner à l'asile avec ses histoires à dormir debout ! Le Mexicain n'était pas croyant, contrairement à bon nombre de ses hommes. Il ne croyait ni en un quelconque dieu, ni en l'esprit de la mort ou toute autre connerie de ce genre. Pour lui il y avait la vie, la mort, la réalité et rien d'autre. Du moins jusqu'à aujourd'hui...
— Et pourtant tu vois bien que si. Normalement je ne ramène pas les âmes à la vie, mais je dois dire qu'à force de m'occuper exclusivement des morts depuis des millénaires, je commence vraiment à m'ennuyer. Alors, quand je t'ai vu, je me suis dit que je pourrais passer un marché avec toi et te ramener momentanément chez les vivants.
— Un marché... les vivants... Mais qu'est-ce que tu racontes...?
Enrique se passa à nouveau les mains sur le visage, espérant désespérément se réveiller du mauvais rêve dans lequel il se croyait être plongé.
— Il te reste trois jours avant ton enterrement. Je vais passer ces trois jours avec toi, chez toi. J'aimerais que tu m'en apprennes un peu plus sur ton monde, sur tes habitudes, tes distractions... Au terme de ces trois jours, tu auras un choix à faire. Si je suis satisfait de mon séjour chez toi je te donnerais l'opportunité de choisir entre partir définitivement avec moi ou reprendre ta vie là où tu l'as laissée, comme si rien de tout ça ne s'était passé. Qu'en dis-tu ?
Le bellâtre aux cheveux de jais laissa échapper un rire sans joie, crispé. C'était un vrai cauchemar, une malédiction ! Il avait l'impression d'avoir atterri dans un univers parallèle.
— Ok. Ok... restons cool... murmura le Mexicain pour lui-même, avant de reprendre. Bon, t'as de la chance, j'aime les défis. Et que les choses soient bien claires : je vais tellement te satisfaire que c'est toi qui n'auras pas d'autre choix que de me rendre ma vie d'avant ! Aller, en route.
Sans perdre une minute, Enrique saisit Diego par le bras et l'emmena jusqu'à sa voiture. Là, il le poussa à prendre place du côté passager puis se mit au volant. Une fois rentré à l'appartement, Enrique décida de commander des pizzas pour le déjeuner. Il comptait bien surprendre ce soit disant esprit avec de la nourriture typiquement humaine, la meilleure qu'il connaissait. Qui pouvait résister à une délicieuse pizza au pepperoni et au chorizo ? Personne !
— Toi, pose-toi là et fais pas de conneries. Je vais commander la bouffe, déclara Enrique à l'attention de son invité particulier.
Puisqu'il était dans un rêve – du moins en était-il toujours persuadé – autant jouer le jeu. Il se saisit alors de son téléphone et composa le numéro de sa pizzeria favorite. Toutefois, il ne parvint à joindre personne. Alors quoi, on était en pleine semaine merde ! Ça ne pouvait pas être fermé ! Diego, lui, haussa un sourcil.
— Je crois que tu as oublié ce que je t'ai dit et ce qui s'est passé juste avant. Tu ne peux plus communiquer avec les vivants, Ricky. Ni en face, ni par téléphone. Il va falloir trouver autre chose.
Enrique reposa alors son téléphone, au bord de l'explosion. C'est tout juste si on ne le voyait pas montrer les crocs. Mais peu importe, il n'était pas le genre d'homme à abandonner aussi facilement la partie. Il n'y aurait pas de pizza, soit. Mais il n'en demeurait pas moins qu'il savait cuisiner. Du moins dans ses lointains souvenirs, lorsqu'il faisait à manger à ses deux petites sœurs...
Le Mexicain ouvrit ses placards et son frigo. Mouais... c'était un peu le désert et pas moyen de faire des courses... Bon, il ne lui restait plus qu'à concocter quelque chose avec les moyens du bord.
— Ce sera des spaghettis. Ça te va ? demanda-t-il à Diego, sans toutefois attendre de vraie réponse.
Que ça lui plaise ou non ce serait ça de toute façon.
— Je vais me laisser surprendre par tes talents de cuisinier, répondit Diego, un brin amusé.
— Te fous pas de ma gueule, cabrón, sinon t'auras qu'à aller te chercher à bouffer dans les poubelles dehors ! grogna le Mexicain, sur la défensive.
Enrique mena un rude combat contre les spaghettis récalcitrantes pendant une bonne vingtaine de minutes, les sourcils froncés, balançant tout un chapelet d'insultes, jusqu'à ce qu'il considère que le déjeuner était prêt.
Il déposa devant Diego une assiette remplie de spaghettis, ou du moins ce qu'il en restait... En effet, les pâtes ressemblaient surtout à un amas tout collant et peu ragoûtant. Mais Diego comprit bien qu'émettre le moindre commentaire désagréable à ce sujet serait faire rentrer encore un peu plus Enrique dans sa carapace, alors il se contenta simplement de le remercier et décida d'y goûter.
Enrique était en sueur. La vapeur d'eau des pâtes et tous ces évènements l'avaient mis hors de lui. Il enleva alors son débardeur, s'essuya le front avec, d'un geste rapide, puis le balança dans un coin. Le regard de Diego se posa malgré lui sur le torse musclé de son hôte, qui exerçait une irrésistible attraction.
Sa peau était cuivrée, ses tatouages... sexy, ses abdominaux parfaits... Il y avait juste sous son nombril une ligne fine de poils sombres qui traçaient un chemin jusqu'à un endroit stratégique de son anatomie. Diego aurait tout donné pour voir ça. Cet humain avait décidément un corps parfait. Parfaitement désirable...
— Ben alors, tu préfères me mater plutôt que manger ? ironisa Enrique, avant de venir prendre place face à Diego.
Cependant, après quelques minutes, le visage d'Enrique se fit plus sombre. Son déjeuner était complètement raté. Les pâtes étaient immangeables et cela suffit à mettre le fauve hors de lui, ce que ne comprit pas Diego, lorsque son hôte partit s'enfermer dans sa chambre.
— Allez Ricky, c'est pas si grave... C'était juste des pâtes, et puis je peux me passer de manger tu sais..., déclara Diego, séparé d'Enrique par la porte close, mais ce dernier n'était pas décidé à lui ouvrir de sitôt.
Etendu de tout son long sur son lit, le Mexicain fixait le plafond, la douleur dans le regard. Il soupira. Quelle journée de merde... Evidement que ce n'était que des pâtes, pas de raison de se mettre dans un tel état, sauf qu'il ne put s'empêcher de se souvenir de ses petites sœurs et du fait qu'il cuisinait souvent des pâtes pour elles... Même ça il l'avait raté... Jamais les choses n'auraient dû se passer de la sorte. Il aurait dû être là pour elles, les protéger... mais il avait été trop faible... Son cœur se serra et Enrique se releva. Non. Il ne devait plus y penser.
Le fauve finit par sortir de sa tanière, après avoir passé une chemise noire qui lui allait tout aussi bien que le débardeur du matin.
— Viens, je vais t'emmener manger un truc en ville. On aura qu'à essayer de trouver quelque chose, déclara Enrique.
C'est alors qu'ils entendirent la porte de l'appartement s'ouvrir. Instinctivement, Enrique alla récupérer son arme, dissimulée sous le comptoir du minibar, avant de se rappeler qu'il n'en aurait sûrement pas besoin, puisqu'après tout personne ne pouvait le voir.
Il fut d'autant plus surpris et agacé en voyant qu'il s'agissait de Javier et Cesare, lesquels avançaient à pas de loups dans l'appartement.
— Bon, tu vois bien qu'il y'a personne, déclara Javier à l'attention de son compagnon, bien que ce dernier n'avait pas l'air rassuré.
— Javi... On devrait foutre le camp d'ici, c'est pas très... éthique.
— Ethique ? Depuis quand tu te soucies de ce qui est éthique, toi ?
Javier éclata de rire et poursuivit son avancée, avant de reprendre :
— Je vais seulement prendre deux, trois trucs. De toute façon il n'en aura plus besoin là où il est. On emporte rien au pays des morts, plaisanta-t-il, tout en tapotant sur l'épaule d'un Cesare anxieux, lequel se mit à marmonner des prières, jusqu'à ce que Javier lui donne un coup derrière la tête.
— T'as pas bientôt fini tes conneries, non ?! Je t'ai déjà dit que les esprits ça n'existe pas. En plus Enrique doit être au paradis entouré de plein de belles nanas et je suis sûr qu'il serait très heureux que ses deux meilleurs amis héritent de ses biens. Alors maintenant arrête de flipper comme une gonzesse et aide-moi plutôt à fouiller.
Quelle bande de fils de pute ! Enrique était furieux. Ses deux meilleurs amis étaient venus pour voler ses affaires, comme deux vautours perchés au-dessus d'un cadavre. Les enfoirés ! Diego tenta d'apaiser sa colère en posant une main sur son épaule.
Lorsque les deux compères se furent emparés de tous les biens qu'ils avaient convoités jusque-là, ils décidèrent de s'en-aller. C'est alors que Javier s'arrêta net en voyant les clés de voiture d'Enrique dans l'entrée. Son visage s'illumina.
— Il aura plus besoin de sa caisse non plus, pas vrai Cesare ? dit-il, tout en s'emparant des clés, avant de les fourrer dans sa poche, sous le regard corrosif d'Enrique qui l'aurait abattu sur-le-champ s'il l'avait pu.
Ce moment fut pour Enrique une véritable prise de conscience. Il n'y avait plus de doute possible quant à la situation dans laquelle il se trouvait. Il était donc bel et bien mort aux yeux de tous. Mais il allait tout faire pour qu'au terme de ces soixante-douze prochaines heures, Diego n'ait pas d'autre choix que de le ramener à la vie, et là, il prendrait sa vengeance sur ceux qui avaient osé le trahir...
Les trois jours étaient quasiment écoulés. La nuit commençait à tomber et la plupart des habitants de Tijuana défilaient dans les rues, vêtus de costumes et de masques bigarrés en forme de crânes, sur des airs entraînants de musique mexicaine, comme le voulait la tradition. La Fête des Morts touchait à sa fin.
En trois jours, les fiascos s'étaient enchaînés plus qu'en toute une vie pour Enrique. Toutes ses tentatives pour distraire Diego avaient lamentablement échouées, les unes après les autres. Le jeune homme, malgré ses convictions, avait fini par baisser les bras.
Quoiqu'il en soit, tout avait changé. Il avait beaucoup réfléchi... Peut-être valait-il mieux pour lui qu'il meure après tout...
Son gang s'était déchiré, ses biens envolés au même titre que ceux qu'il considérait comme ses amis, il n'avait plus de famille non plus, alors à quoi bon continuer ? Les choses ne seraient plus jamais les mêmes.
Allongé sur son lit, Enrique se contentait d'attendre l'irrémédiable. C'est alors que la porte s'ouvrit doucement sur Diego.
— Je peux entrer ? demanda-t-il.
Enrique acquiesça. Il n'avait plus que Diego pour lui tenir compagnie de toute façon. Ce dernier vint s'allonger à ses côtés, comme au premier jour. Le jour de leur rencontre. L'atmosphère était étrange. Emplie de mélancolie...
— Est-ce que ça fait mal ? demanda Enrique, qui voyait, par la fenêtre, l'obscurité envelopper peu à peu les dernières lueurs du jour - Il reprit. Je veux dire... de mourir ?
— Non. Du moins pas dans ton cas. Tu as eu la chance de mourir sur le coup. Ce ne sera qu'une formalité, j'imagine.
Tout de même... Malgré les paroles pour le moins rassurantes de Diego, Enrique ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine anxiété. Lui, le grand caïd des bas-fonds de Tijuana avait peur. Il avait l'impression d'être retombé en enfance, quand, recroquevillé dans un coin, il attendait dans l'angoisse les coups de son père, en se posant toujours la même question : allait-il encore avoir mal ? Lamentable.
— Alors j'ai perdu, pas vrai ? Tu dois être fier de toi, dit-il avec un rictus, tentant de masquer son trouble par de l'ironie.
— Pas encore. Tu as jusqu'à minuit pour me convaincre de te rendre la vie.
Leurs regards se rencontrèrent. Celui d'Enrique, deux billes sombres, face à celui de Diego, prunelles félines. Tout semblait les avoir opposés jusque-là et pourtant... Ce soir avait un goût étrange, différent...
Sans réfléchir davantage aux conséquences de ses gestes, Enrique laissa sa main glisser le long de la joue de Diego, lequel eut l'air d'apprécier la caresse. Depuis des millénaires qu'il voyait défiler de beaux garçons dans son royaume, c'était bien la première fois que l'un d'eux le touchait de cette façon. Puis, venant se joindre aux caresses, ce fut bientôt les lèvres du Mexicain qui allèrent à la rencontre de celles de son agaçant invité. Ce dernier n'opposa aucune résistance. Diego se sentait dans un état second, plongé dans une sorte d'ivresse qui lui était totalement inconnue et pourtant ô combien agréable !
Tandis que la pénombre envahissait la chambre d'un voile d'intimité, les bouches et les corps des deux hommes se découvraient l'un l'autre.
Enrique se retrouva bientôt torse nu. Quant à Diego, son t-shirt, ainsi que son pantalon lui furent retirés par le fauve qui le dévorait de baisers passionnés, plus brûlants que les flammes de l'Enfer.
— Qu'est-ce que tu fais... murmura Diego, les yeux mi-clos, les lèvres délicieusement entrouvertes, signe manifeste de son désir.
— Je vais bientôt mourir et puisque ce doit être ma dernière nuit ici, dans ce cas je veux la passer avec toi, t'apprendre ce qu'est l'amour, la passion... lui répondit Enrique, tout en déposant ses lèvres sur le torse de neige de Diego, afin d'y tracer de brûlants sillions.
Ce dernier, impatient et maladroit, tenta de défaire la ceinture d'Enrique mais en vain, ce qui amusa le Mexicain, lequel finit par retirer de lui-même son jean, ainsi que son boxer, dévoilant ainsi sa magnifique colonne de chair fièrement dressée. Enrique, sans pouvoir se l'expliquer, éprouvait un désir ardent à l'égard de Diego. Bien plus ardent qu'avec toutes ses précédentes conquêtes...
Il s'allongea alors sur lui et se mit à le caresser lentement, sensuellement. Désireux de mettre son curieux invité dans le même état que lui.
Les minutes s'écoulèrent, rythmées par les soupirs erratiques et électriques des deux hommes, jusqu'au moment où il ne fut plus question que de soupirs. Un gémissement profond vint emplir la chambre, s'étant échappé d'entre les lèvres de Diego.
Là, allongé sur le dos, les jambes repliées, le jeune homme venait de s'offrir à l'homme qui était en train de prendre ardemment possession de son corps.
Enrique vint joindre à la fusion de leurs deux corps celles de leurs lèvres, en entraînant celles de Diego dans un baiser des plus passionnés. Leurs langues se mirent alors à danser, en harmonie avec leurs corps et les coups de reins d'Enrique, lents et sensuels tout d'abord, puis de plus en plus intenses, profonds.
Leurs deux bassins s'épousaient à merveille. Enfoui au creux des reins et de l'intimité de celui qui venait de devenir son amant, Enrique ressentit alors une plénitude comme jamais il n'en avait ressentie auparavant. Il faisait l'amour à la Mort, mais surtout, il faisait l'amour avec toute la vie qu'il lui restait, comme s'il voulait l'insuffler, la répandre dans leurs deux corps.
Qu'importe s'il était allé au bout du marché ou non. Qu'importe s'il avait gagné le droit de vivre encore pendant des années ou qu'il doive mourir cette nuit. Pour la première fois, il se sentait en vie et cela, grâce à Diego.

 

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